Alors qu'il allait fêter son 90e anniversaire le 14 septembre prochain, Michel Butor a tiré sa révérence dans son village de Lucinges, en Haute-Savoie. En juillet, il disait encore avoir des tonnes de projets et des espoirs, notamment celui d'un XXIe siècle plus éclatant. Extraits d'un entretien.
C'est dans son "atelier", comme il avait baptisé une pièce garnie jusqu'au plafond, que Michel Butor aimait recevoir les journalistes. Cet endroit ressemblait à ce touche-à-tout, tantôt écrivain, tantôt artiste, au gré de ses envies, au gré de son humeur. Et à 89 ans, son humeur était belle à voir. Le vieil homme évoluait d'un pas alerte dans son antre, présentant ses 3 espaces sacrés: une table pour l'ordinateur, une autre pour "ses bêtises", autrement dit dédiée aux arts plastiques, et enfin, la plus importante, la table de la correspondance.
C'est ici qu'il continuait à inventer. "J'espère que ça va continuer quelques temps", lançait-il. "J'ai publié mes oeuvres complètes, je suis donc aujourd'hui dans le post-scriptum, pour faire plaisir", justifiait l'auteur. Il corrigeait d'ailleurs les épreuves d'un livre d'artistes créé en son honneur, pour ses 90 ans. "Il y aura des textes sur une clef USB", expliquait fièrement l'écrivain, prouvant ainsi son attachement au monde qui avance.
Toutefois, Michel Butor posait un bémol: "j'attends beaucoup du XXIe siècle, c'est mal parti!". Lui qui vécut la guerre à l'adolescence, s'inquiétait des attaques contre notre civilisation. "Notre civilisation reste extrêmement fragile et elle est toujours menacée."
Interview réalisée par Ingrid Pernet-Duparc et Serge Worreth
L'homme inclassable a souvent été pris pour un doux rêveur. En fait, c'était un grand travailleur. Butor n'arrêtait jamais. A la question, que souhaitez-vous transmettre à vos petits-enfants?, il répond "la passion de travailler pour un monde un peu meilleur".